Bernard Lacombe, buteur de légende

Bernard Lacombe

Grâce à son football d'exception, l'attaquant français est au panthéon des plus grands joueurs de l'histoire des Girondins de Bordeaux.

Bernard Lacombe, le spécialiste du but !

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Attaquant bien connu et buteur prolifique jusque-là avec l’Olympique Lyonnais, l’Équipe de France et l’A.S. Saint-Étienne, c’est lors de l’exercice 1979-1980 que Bernard Lacombe signe aux Girondins de Bordeaux. Dans un club qui connaît une mutation dans presque tous ses compartiments, et qui nourrit de grosses ambitions pour son futur proche. Un club qui va lui permettre, aussi, de briller au niveau international et de gagner beaucoup de titres…

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Un défi à relever

Et il faut le dire : de 1979 à 1987, Bernard Lacombe a régalé le public bordelais ! Le pari effectué par Claude Bez, nouveau président du club, s’est avéré gagnant à plus d’un titre. Car lorsqu’il signe, celui qui est né en 1952 dans le Rhône est potentiellement, et présumé, plus en fin de carrière qu’autre chose. Pourtant, il en a encore sous la semelle. Dans une tranche d’âge que l’on qualifie d’ordinaire de « mûre », « Nanar », après avoir glané avec l’O.L. une Coupe de France en 1973, et quitté les Verts au bout d’une saison de services et de rancœurs (et après 14 buts marqués en D1), va exprimer tout son talent sous le maillot marine, au milieu d’une génération d’exception. Parce qu’entouré d’éléments de valeur, de techniciens offensifs ou de défenseurs de stature mondiale, il va rapidement démontrer aux sceptiques que le choix de rallier la Gironde était le bon. Tout comme celui de relever avec réussite le défi d’une « relance » à très haut niveau, qui confirme que l’homme a bel et bien conservé son flair légendaire. Un odorat sportif qui, comme celui qu’il développe devant la cage adverse depuis longtemps, a fait de lui une référence en la matière…

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Parce que partir du Forez aura, au final, été une délivrance, et le choix fait de venir en Gironde, une aubaine. Tant pis pour le Paris Saint-Germain et l’A.S. Monaco F.C., sur les rangs ! « Bordeaux est une ville de province qui, par son climat général, ressemble beaucoup à Lyon. L’environnement que j’y ai trouvé me convient beaucoup plus que celui de Saint-Étienne. Je m’y trouve bien. J’y accomplirai mes trois ans de contrat », déclare-t-il dans France Football, le 31 juillet 1979.

Ambitieux et efficace

Cependant, il doit se faire une place au milieu de coéquipiers animés des mêmes desseins d’attaque que lui. Et d’ambitions similaires. « Je suis beaucoup plus ambitieux qu’on ne le croit et je compte bien le prouver cette année », explique avec fermeté, dans le même France Football, celui que certains tentent de faire passer pour un garçon « triste », voire un « martyr »

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Ainsi, Gérard Soler, Albert Gemmrich (internationaux « A » et recrutés en même temps) ou Jean-Marc Ferratge (qui deviendra international « A » en 1982) sont également en poste. Mais comme addition de talents ne nuit – généralement – pas, c’est aussi aux côtés d’Alain Giresse, Félix Lacuesta, Omar Sahnoun, Jean-Christophe Thouvenel et Juan Domingo Cabrera, notamment, qu’il effectue ses débuts.

Titularisé par l’entraîneur argentin Luis Antonio Carniglia, il démarre avec sa nouvelle formation, à domicile, le 26 juillet 1979, face au Racing Club de Strasbourg de Dominique Dropsy, François Bracci, Raymond Domenech ou Léonard Specht. Autrement dit, face au champion de France en titre ! Mais  cette première journée de Division 1 (D1) va se solder par un dérangeant revers (1-3), à Lescure ; les hommes de Gilbert Gress ayant fait la différence en fin de rencontre. Et à l’expérience, aussi, probablement…

Très vite, ce joueur à la modestie, au sens du but, à l’altruisme et à l’efficacité avérés va faire l’unanimité dans les travées. Pour une réussite qui va lui permettre de poursuivre sa carrière en parallèle chez les Bleus. Car avec 11 buts inscrits dans la saison, et tous en championnat (en 33 matches), il indique qu’il va encore falloir compter un bon moment sur sa justesse de pieds et de tête, et sur son sens de l’anticipation hors-normes ! Parce que Lacombe est capable de marquer dans toutes les positions, de partout, et avec toutes les surfaces de contact que propose le corps humain !

Une formule qui gagne

Sa première saison à Bordeaux se solde par une encourageante 6e place en D1, ce qui constitue le meilleur classement du club depuis bien longtemps ; son talent et sa propension à convertir en but le moindre ballon égaré n’y étant évidemment pas pour rien !

Son entente, sur en dehors du terrain, avec Alain Giresse va se bonifier au fil du temps et des matches, tout comme celle qu’il va bientôt entretenir avec les nouveaux arrivants, la saison suivante. Dont notamment Aimé Jacquet, entraîneur aux idées claires et à la méthode structurée, et René Girard, milieu de terrain besogneux et technique ; un garçon volontaire qui le pourvoira lui aussi en ballons plus faciles à convertir en buts… Pour l’anecdote, Giresse (tout comme Gemmrich) termine avec une unité de plus que Lacombe (D1) au compteur…

En 1980-1981, le ratio match-but augmente de façon significative : 41 pour 25, toutes compétitions confondues (T.C.C.) ! Ce qui fait 34 matches et 18 buts en D1 ; le reste, c’est en Coupe de France… Bordeaux a trouvé la bonne formule, surtout celle qui gagne. Avec de bonnes associations de jeu et des principes parfaitement établis. Car via du jeu court, de la mobilité, des récupérations hautes du ballon et, au moyen de combinaisons improvisées ou travaillées dans de petits périmètres, l’initiative fait mouche. Et l’objectif est atteint : celui d’être enfin européen ! Puisque forts d’une 3e place en D1 (avec 49 points et ex aequo avec l’A.S. Monaco F.C.), derrière Saint-Étienne (57) et le F.C. Nantes (55), les Marine et Blanc signent un retour sur la scène continentale particulièrement bienvenu. Hormis les compétitions mineures ou dites de « coupes d’été » (et de préparation), il n’y a rien eu à se mettre sous la dent en la matière ici, depuis… 1969 ! C’est donc un véritable exploit que ces derniers ont réalisé, au cours d’un exercice qui a vu Lacombe terminer 5e meilleur buteur (ex aequo avec le monégasque Oscar Victor Trossero) et devant Gemmrich (10e, 14 buts). Lescure et la France se préparent à vivre de belles heures de football…

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Régulier dans la performance

Atteindre le seuil fixé, c’est bien. Y rester, c’est mieux ! C’est donc ce que se disent les dirigeants qui, en coulisses, continuent à se renforcer qualitativement et quantitativement. Avec des joueurs confirmés et/ou en attente de challenges ou de « redémarrage », c’est selon. La stratégie est là encore bien au point et porte ses fruits. Le collectif bordelais est attractif et son image d’équipe montante et pratiquant un beau football séduit. Exit la « mauvaise » réputation ! Dragan Pantelić, gardien de but international yougoslave, vient concurrencer Christian Delachet. Nordine Kourichi, Jean Amadou Tigana – eux aussi internationaux – ou Antoine Martinez sont recrutés et, aux côtés des Gernot Rohr, Marius Trésor et consorts, ils vont faciliter l’ascension vers les sommets. Bordeaux élimine le Vikingur Reykjavik (0-4 et 4-0) en trente-deuxième de finale de la Coupe de l’U.E.F.A. (U.E.F.A. Europa League, aujourd’hui/C3) et chute face aux Allemands de l’Hambourg S.V., l’un des ogres de la compétition. Après l’avoir pourtant emporté à l’aller (2-1 et défaite 2-0) ! Lacombe n’a pas marqué, mais il a ouvert le feu lors du tour précédent, avec un but, au match retour et devant son public…

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La saison se termine par une 4e place en D1 (48 points) et l’avant-centre plante 17 buts (en 33 matches), ce qui en fait le 7e plus prolifique du plateau (devant Giresse, 10e et 14 buts). Pour 21 buts en 42 rencontres T.C.C., aussi. La régularité dans la performance et la propension à être peu blessé lui confèrent des statistiques intéressantes que Michel Hidalgo, sélectionneur national qui le connaît bien, ne manque pas de scruter. À tel point qu’en sus de la confiance que celui-ci lui témoigne depuis longtemps, il va le convier à participer, avec d’autres Bordelais, à la Coupe du Monde 1982, en Espagne. À presque 30 ans, l’opportunité lui est offerte d’en disputer une seconde…

Buteur et passeur hors pair

Professionnel jusqu’au bout des crampons, superstitieux jusqu’aux confins de son âme, Lacombe affiche pourtant une efficacité redoutable (sans grigri devant la cage), teintée d’une correction exemplaire, sur et en dehors du terrain. Même si son caractère de gagneur et de compétiteur prend parfois, par réflexe, le dessus. Autrement dit, lorsque son jeu dos et face au but lui vaut des caresses peu amènes de la part de ses adversaires, il ne se laisse pas faire !

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Il est un soldat sur lequel Jacquet peut aisément compter ; un besogneux, un malicieux, un buteur et un passeur hors pair. Un combattant entièrement dévoué à la cause : celle des Girondins et de leur mission rédemptrice. L’ambassadeur d’une entité, et d’une identité de jeu déposée qui fait déjà rêver les suiveurs ; l’opération séduction est en marche dans l’Hexagone, mais aussi hors frontières. Plusieurs Girondins sont sociétaires de l’Équipe de France, ce qui est tout sauf un hasard…

La saison 1981-1982 a – bien vécu – et 1982-1983 s’annonce prometteuse ! La C3 est au menu et elle réserve de bonnes et grandes surprises. Léonard Specht, Raymond Domenech, Caspar Memering, Dieter Müller, internationaux français et allemands, sont embauchés pour ça. Richard Ruffier, gardien de but, aussi. Au premier tour, le F.C. Carl Zeiss Jena, représentant de la République Démocratique Allemande (R.D.A.), et par ailleurs d’un football rugueux et respecté, « tape » chez lui les Français (3-1). La tâche est ardue au retour, mais pas insurmontable : la preuve, les Marines s’imposent 5-0, pour une extraordinaire remontée ! L’Hajduk Split roue de coups et de buts les visiteurs, au cours du seizième de finale-aller (4-1), mais s’incline lui aussi en suivant : 4-0 ! L’Universitatea Craiova met un terme à l’aventure en huitième, après une défaite 1-0 au Stade Municipal, mais avec une victoire en Roumanie (2-0). Il y a élimination, certes, mais ce sont-là les prémices concrets d’une montée en puissance et d’une progression constante du club, qui s’affichent en grand format. Lacombe n’a pas marqué durant cette campagne, mais il a grandement contribué aux succès sportifs et à ceux dits « d’estime ».

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En championnat, il dispute 33 matches et score 20 fois !  Il occupe le 4e rang national, tandis que Müller (6e, 17 buts) et Giresse (17e, 12 buts) complètent le tableau ; les trois compères ont fait trembler les filets à 49 reprises, tandis que les leurs ont marqué 67 fois au total ! Bordeaux est la deuxième attaque, mais aussi vice-champion de France (48 points). Seul Nantes a fait mieux (58), avec son immense buteur, Vahid Halilhodžić (27 buts), en pointe. Ce duel à distance que se livre les deux hommes (quand Lacombe claquera 22 fois en 43 matches T.C.C.), va durer quasiment toute la décennie… Pour une version ultra offensive de "l’à qui mieux mieux" !

Si l’on a l’impression que Bordeaux laisse passer sa chance, au vu des classements successifs, et des prestations fournies année après année, il faut tout de même préciser que les « Canaris » comptent dans leurs rangs pratiquement ce qui se fait de mieux en France. Alliant notamment physique et technique de haut niveau, l’autre entité de renom de la façade Atlantique est un modèle. De formation et de jeu. Ce qui ne fait que motiver les Aquitains, et renforcer leur envie d’assujettir une bonne fois pour tous leurs rivaux. Le défi est de taille et les hommes du club au Scapulaire vont bientôt le relever…

L’âge d’or du foot à Bordeaux

Car c’est bien l’hégémonie et l’âge d’or du foot à Bordeaux qui s’affirment désormais. À l’orée de l’exercice 1983-1984, Claude Bez et Didier Couécou, dans un tumulte médiatique à la hauteur de leurs appétences sportives, débauchent Thierry Tusseau de Nantes, engagent Patrick Battiston (Saint-Étienne) et Bernard Zénier (A.S. Nancy Lorraine) ; tous internationaux. Hassan Hanini (futur international marocain) vient garnir le front de l’attaque, quand Soler et Ferratge sont transférés.   

En championnat, c’est un mano a mano qui prend forme, en tête, avec l’A.J. Auxerre, autre place forte de la formation dans le pays. Mais Bordeaux va passer devant dès la fin septembre et se diriger vers un titre suprême après lequel il court depuis 1950…

À la même période, les Aquitains tombent de nouveau sur un club de l’Est, en C3 : le F.C. Lokomotive Leipzig, en trente-deuxième de finale. La cause est vite entendue : défaite à Lescure (2-3) et défaite dans la Saxe (4-0) ! C’est une brutale désillusion, un coup d’arrêt et, pour la deuxième année consécutive, Lacombe n’a pas marqué en coupe d’Europe !

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Tout cela n’affecte pas le collectif en D1, mais c’est maintenant Monaco qui carbure à fond et qui s’adjuge la première place… jusqu’à Noël ! Puis Bordeaux dépasse le club du Rocher, et celui-ci… reprend le large, en suivant ! C’est une incroyable bataille qui voit son épilogue favorable aux Girondins, lesquels reprennent la tête lors de l’avant-dernière journée… à la différence de buts ! Et merci qui ? Merci Bernard ! Car il en a déjà bon nombre dans la besace, et va de surcroît choisir l’ultime rendez-vous pour marquer son 18e but (en 35 matches). Ce sera en Bretagne, face au Stade Rennais F.C. (0-2), sur coup franc ; ce qui permet (en plus de l’autre réalisation de Müller) aux siens d’être sacrés (54 points) à la différence de buts, devant les Azuréens ! Rennes, lui, glisse en D2…

Un final insolite, une course au titre et 19 buts en 41 matches T.C.C. : c’est une saison pleine et faste pour lui, qui va se conclure en juin par un énorme trophée glané avec l’Équipe de France, sur son sol…    

Plus grand buteur français

Il faut dire qu’en Première division, Lacombe est – déjà – le plus grand buteur français de tous les temps. Au cours de la saison, il a battu le record que détenait jusque-là Hervé Revelli : 216 buts ! Et ce n’est pas parce que l’on mesure 1,70 mètres et pèse 69 kilos que l’on ne peut pas avoir du poids en attaque ! Joueur volontaire, tenace, motivé par le duel, il sait se positionner comme il le faut, quand le jeu le dicte. Souvent dos au but, il est spécialiste du pivot et de la frappe enchaînée : au sol, ou à mi-hauteur. Tir sec ou en finesse, crochet, volée, piquet : tout fonctionne ! Bon des deux pieds et dans le jeu aérien, il sait aussi se montrer altruiste et parfait remiseur. Avec Giresse (7e ex aequo, 16 buts) et Müller (10e ex aequo, 14 buts), il figure donc parmi les toutes meilleures gâchettes du plateau.

Bernard Lacombe

À la rentrée suivante, la mouture doit être aussi bonne, et même bien meilleure encore ! C’est décidé : Bez veut que son club soit l’un des meilleurs d’Europe… voire le meilleur ! Tandis que l’on soumet l’idée de construire un stade de 100 000 places dans la métropole, histoire d’être en adéquation avec le discours présidentiel, il faut que sur la pelouse, les actes suivent. Dominique Dropsy, gardien de but international, Marc Pascal, attaquant de complément international Espoirs et « B ») et Fernando Chalana, milieu offensif au talent de « top player », ont été recrutés. Vu l’énorme investissement financier consenti pour enrôler ce dernier (considéré comme le meilleur joueur de l’Euro 1984, derrière Michel Platini et en compagnie de Jean Tigana), les ambitions sont de taille et affichées à la face du monde ! En ces temps fastes, il déclare au magazine Mondial : « Plus je vieillis, plus j’ai envie de marquer ! » Bernard Lacombe prendra part à 46 rencontres et fera trembler les filets à 26 reprises, T.C.C., pour ce qui reste comme son plus gros total cumulé avec les Girondins ! 36 matches de championnat, 22 buts : il se place sur la deuxième marche du podium, derrière Halilhodžić le Nantais (28), ce qui constitue son meilleur score avec Bordeaux. Et, c’est encore une saison extraordinaire, qui se termine par un deuxième titre de champion de France consécutif, et au prix d’un parcours au coude à coude avec le F.C. Nantes de Jean-Paul Bertrand-Demanes, William Ayache ou José Touré. Lequel restera à trois unités derrière…

À l’apogée de son art

En Coupe d’Europe, la donne est désormais différente, puisque c’est la Coupe des Clubs Champions (U.E.F.A. Champions League, aujourd’hui/C1) qui est au menu. Successivement l’Athletic Club Bilbao (3-2/0-0), en seizième de finale, le C.S. Dinamo Bucarest (1-0/1-1), en huitième et le Dniepr Dniepropetrovsk (1-1/1-1, 3 tirs au but à 5), en quart, s’inclinent devant la furia, et le magnifique football pratiqué par les Bordelais. Seule la Juventus Turin F.C. – qui va perdre 2-0 à Lescure – parvient à venir à bout d’un onze pourtant patiemment élaboré et programmé pour gagner ; son avantage pris à l’aller en Italie (3-0) faisant la différence. Une « Juve » exceptionnelle de stars et de talent qui remportera le trophée un peu plus tard…

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« Cela avait été un match extraordinaire ! C’est vrai que ça s’était joué à rien du tout (…), se souvient, en 2009 et pour Girondins TV, Bernard Lacombe. Je crois qu’en plus, c’était le record de spectateurs à Lescure… Il y avait un monde… C’était de la folie, dans ce stade ! Oui, c’était une partie exceptionnelle. »

La critique est alors excellente, le jeu de la bande à Jacquet et Giresse est loué par toute l’Europe du football, et Lacombe est à l’apogée de son art. Lui qui est parvenu à mettre le cuir au fond lors de chaque tour, avant la demi-finale fatidique (dans laquelle il délivre une passe décisive pour Müller). Lui qui est une référence pour tout apprenti-buteur, pour tout amateur de foot, tout simplement. Lui, auquel l’on reprochait d’être « trop gentil », alors qu’il se définissait lui-même comme simplement « gentil », et qui ne l’était donc pas vraiment pour les gardiens de but adverses !

Pour toutes ces raisons, le millésime 1984-1985 fait toujours référence, au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle…

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Une coupe et des glaçons !

Le suivant est bon aussi, mais la passe de trois n’est pas à l’ordre du jour. Dans les plans, si, mais dans les faits, c’est le Paris Saint-Germain qui rafle la mise en qui remporte son premier titre de champion de France (56 points) ! Devant Nantes (53) et des Girondins (49) bien trop loin… Leur attaque est la troisième meilleure du plateau (55 buts), mais Lacombe n’y contribue qu’à hauteur de 7 unités, en 23 matches. L’âge, des blessures et la concurrence font leur œuvre. Pascal a pris du galon (7 buts en 25 matches), Giresse marque encore (9/29) et, surtout, Uwe Reinders, attaquant puissant et athlétique arrivé du S.V. Werder Brême (République Fédérale d’Allemagne) à l’été, s’y emploie. L’international allemand signe 15 buts en 35 matches (pour 25 T.C.C.), ce qui en fait le sixième au niveau national, et le seul représentant bordelais dans les vingt-cinq premiers…

En C1, pas le temps de briller, puisque dès leur premier tour (seizième de finale), les Marine et Blanc se sont fait sortir ; le Fenerbahçe S.K. s’imposant au Stade Municipal (2-3), et se contentant du nul (0-0) au retour, pour passer… Lacombe n’a pas marqué et le coup de massue laisse de vrais regrets. Le contraste entre la saison écoulée et celle-ci est saisissant… Heureusement, la satisfaction viendra du sacre final en Coupe de France, lorsque les Girondins battront (2-1) l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie, Joseph-Antoine Bell, Jean-Pierre Bade, Antoine Martinez ou Michel Audrain, après prolongation. Cette soirée au Parc des Princes est historique, puisque c’est la deuxième fois que le club remporte le trophée ; la première datait de 1941 ! Bordeaux vient aussi de « venger » les équipes qui se sont inclinées en 1943 (2-2 et 4-0) et en 1969 (2-0), face au même adversaire !

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La joie qui succède à la consécration est à la hauteur de l’amour que ces joueurs et ces dirigeants portent à l’institution Girondins de Bordeaux ; l’engouement, la ferveur et la communion populaires qui en résultent, le lendemain, dans la cour de l’Hôtel de ville de Bordeaux, en témoignent aussi…

En avril 2016, Lacombe est revenu spécialement pour Girondins.com sur quelques anecdotes vécues au cours de cet épisode unique. « J’ai le souvenir qu’on était tous les deux, avec ‘‘ Gigi ’’ (Alain Giresse, NDLR), la veille du match, à l’hôtel, au Trianon Palace de Versailles ; il avait un problème au péroné, qui était fissuré, je crois. Moi, j’avais un genou en mauvais état. La nuit précédant la finale, dans la chambre, on a glacé au maximum ; on avait pris de sceaux à champagne – mais sans champagne – avec des glaçons dedans. Et on a passé la nuit comme ça… Seaux plus oreillers !

Moi, avant le match, dans le vestiaire et le grand bassin du Parc des Princes, j’ai subi une infiltration faite par le docteur du club. On a joué la prolongation et ça a été un moment fabuleux… Plus la réception à la Mairie… (…) C’est un souvenir extra, un moment très particulier. On n’avait pas dormi de la nuit, puis le train, le bus… »

1985-1986 restera donc elle aussi dans les annales ! D’un point de vue plus personnel, ce sont 8 buts en 29 matches T.C.C. qui sont à mettre au crédit de Lacombe. Soit, cependant, le moins bon total depuis 1979-1980.

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La meilleure force de frappe du pays

Les statistiques ne vont pas être des plus favorables en termes de temps de jeu en 1986-1987, car l’avant-centre ne va prendre part qu’à 21 rencontres T.C.C., et inscrire 5 buts au cours de celles-ci. Mais tous ces buts le seront en D1, en 16 apparitions. L’histoire retiendra toutefois que si l’effectif se régénère, et que de jeunes internationaux issus de générations ultra-douées ont rejoint Le Haillan en juin – avec une belle troisième place acquise lors du Mondial mexicain de 1986 pour les internationaux français –, le natif de Lyon va inscrire deux nouvelles lignes à son palmarès : celles de champion de France et de vainqueur de la Coupe de France ! Pour un historique doublé obtenu, aussi, grâce à la science sportive et managériale d’Aimé Jacquet et aux qualités de persuasion du duo Bez-Couécou. Certes, Alain Giresse est parti pour l’O.M., mais Lacombe a retrouvé, à ses côtés, des garçons pétris de talents techniques et offensifs, tels que Philippe Fargeon (20 buts en 32 matches T.C.C., dont 15 en 18 matches de D1, après être arrivé en décembre 1986 !), Zlatko Vujović (19 buts en 51 matches), Philippe Vercruysse (13 buts en 40 matches), José Touré (10 buts en 26 matches) ou Jean-Marc Ferreri (5 buts en 49 matches) ! La force de frappe est la meilleure du pays et l’équipe des Girondins ressemble beaucoup à celle des Tricolores…

Ainsi, Bordeaux (53 points) termine devant Marseille (49), avec la meilleure attaque (57 buts) – et meilleure défense (27) – et s’octroie la Coupe Charles-Simon, de nouveau au Parc des Princes, le 10 juin 1987. Et encore face à l’O.M. ! Celui de Bell, Bade, Giresse, Jean-François Domergue, Bernard Genghini ou Jean-Pierre Papin (2-0). Bernard Lacombe qui a disputé deux matches dans la compétition, ne joue pas cette finale.

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En Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe (C2, absorbée par la C3 en 1999), il a été utilisé avec parcimonie et a vu les siens chuter – une nouvelle fois – en demi-finale, face au F.C. Lokomotive Leipzig, après l’épreuve fatidique des tirs au but (0-1/1-0, 5 t.a.b. 6 …

Cette saison, la dernière de sa carrière, scelle un parcours de footballeur hors-normes. Avec 136 buts inscrits sous les couleurs marines (en 296 matches) toutes compétitions confondues, il est le troisième buteur le plus prolifique de l’histoire du club, derrière son ami Alain Giresse (179 buts), et le redouté Édouard Kargulewicz (158).

« Neuf ans exceptionnels »

Adepte du jeu en profondeur, à l’aise dans les espaces réduits et dans la remise, rusé, capable de dribbler son adversaire direct en un éclair, opportuniste et à l’affût de la moindre erreur d’intervention ou d’appréciation de celui-ci, Lacombe est considéré comme l’archétype du « renard des surfaces », selon le jargon footballistique usité. Respecté par tous, probablement à jamais porté au pinacle ici, le numéro 9 est l’attaquant français qui a le plus scoré en championnat de France. Avec 255  buts inscrits entre 1969 et 1987 – record en cours –, il n’est devancé en la matière que par Delio Onnis (299 buts), avant-centre argentin passé par la D1 de 1971 à 1986.

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Si mettre un terme à son métier de footballeur lui a été difficile, la reconversion s’est faite sans encombre. Après avoir organisé son jubilé avec les Girondins, à Lescure, le 9 octobre 1987, face au Toulouse F.C. (contre lequel il marque un but !) et devant 20 000 spectateurs, il s’investit dans plusieurs fonctions. Proche des enfants, il s’occupe des stages d’été « Cap Girondins », et prend en mains l’équipe réserve, en Division 4, avant de devenir l’entraîneur de l’Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas (1996-2000), puis dirigeant du club rhodanien. Toujours a l’OL, en 2019, il y occupe la fonction de Conseiller spécial du président. « J’ai vécu des choses extraordinaires à Bordeaux, et neuf ans exceptionnels. On avait le respect du club, des gens et ça, c’est une chose qui nous a toujours marqués », expliquait-il pour la télé du club, en 2009.

Un lieu dans lequel il ne manque pas de revenir, dès que l’occasion se présente. Sur un terroir qu’il a imprégné de ses crampons habiles, et dans un environnement humain qu’il lui est toujours aussi favorable et reconnaissant. Car, entré depuis longtemps au Panthéon des grands joueurs bordelais (et français), il laisse comme souvenirs, en Gironde, ceux d’un homme accessible et généreux et d’un footballeur d’exception. Qui a fait partie d’une promotion de joueurs l’étant tout autant…

(1) Bernard Lacombe n’a pas marqué de but face au Dniepr Dniepropetrovsk, mais il a inscrit un tir au but lors du match retour, en U.R.S.S.

Son palmarès aux Girondins

Champion de France 1984, 1985 et 1987
Vainqueur de la Coupe de France 1986 et 1987
Vainqueur du Challenge des Champions 1986
Vice-champion de France en 1983
Demi-finaliste de la Coupe des Clubs Champions (Ligue des Champions) 1985
Demi-finaliste de la Coupe des Vainqueurs de Coupe 1987

Découvrez le parcours de Bernard Lacombe en Équipe de France