René Girard, un « vrai » footballeur !

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René Girard, milieu de terrain aussi dur sur l'homme que talentueux balle au pied, fut un élément majeur du grand Bordeaux d'Aimé Jacquest dans les années 80.

Les clichés ont la vie dure, et René Girard n’est pas forcément celui que l’on croit. Ou du moins, celui que l’on décrit. Car le joueur jouit d’une réputation sulfureuse, alors qu’il n’incarne pas exclusivement ce que son jeu pourrait laisser supposer… Ce, autant lorsqu’il arrive aux Girondins de Bordeaux en 1980, que lorsqu’il en part, en 1988. Et pour ne pas dire encore, aujourd’hui, tandis qu’il est devenu entraîneur et sélectionneur national (à succès) depuis longtemps et que l’eau a coulé sous les ponts… 

René Girard

Mais à 26 ans, le garçon, lorsqu’il s’en vient du Nîmes Olympique, club dans lequel il a débuté chez les professionnels, au tout début de la décennie – et donc de l’ère Claude Bez –, a cette étiquette qui lui colle à la peau. Celle d’un élément rugueux, sans pitié, à l’image, quelque part, de la philosophie de jeu de ce club qui l’a formé. Mais Aimé Jacquet, qui signe en même temps que le milieu de terrain récupérateur – et ce n’est pas un hasard –, sait qu’il possède avec « Néné » un joueur de grand talent. De tempérament, certes, mais ultra efficace dans son registre de jeu. Et plus que ça, même, puisque la « lame » gardoise, le « diable » (de) Vauvert, sait faire bien d’autres choses que de tacler ou ratisser les ballons avec élan. Bien entendu, dans l’exercice, il excelle. Mais sa capacité à bonifier techniquement le jeu des siens, aux côtés notamment d’Alain Giresse qu’il sert et protège des attaques sournoises adverses, est très rapidement louée du côté du Stade Municipal. Car superbe joueur de ballon, en plus de savoir motiver les siens comme personne, il marque les esprits et… des buts ! Et durant ses huit saisons passées au club, il en inscrit 25 en 303 matches, toutes compétitions confondues (TCC). Pas mal pour un profil que l’on stigmatise et que l’on enferme dans une seule et même case, pour ne pas dire… cage !

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Bleu marine, pas rouge !

Son premier match en marine et blanc, il le vit en qualité de titulaire et à Lescure, face à l’A.S. Saint-Étienne de Michel Platini, Patrick Battiston ou Johnny Rep, le 24 juillet 1980 (1e journée de Division 1). Et le baptême du feu officiel se solde par une nette victoire (3-0) sur une formation prestigieuse, qui sera sacrée championne de France en fin d’exercice…

René Girard, milieu de terrain d'exception

Son premier carton jaune, il le reçoit cinq jours plus tard, à Nantes (2e journée de D1), chez le champion en titre (défaite 1-0), tandis qu’il inscrit son premier but le 12 septembre face à l’A.S. Nancy Lorraine (2-0/10e journée de D1) avec, en guise de clin d’œil identitaire, une ouverture de la marque à la 33e minute… Mais quid de la réputation de « bad boy » ? De son premier carton rouge par exemple ? Celui-ci lui est adressé le 4 octobre 1986 à domicile (face au Paris Saint-Germain/12e journée de D1/2-0), après un premier de couleur jaune ; soit plus de six ans après ses débuts en Gironde, et à l’occasion de sa 224e apparitions avec Bordeaux ! Ce carton-là serait aussi le seul de toute sa carrière bordelaise*… Mais qu’importe ! Comme un tacle glissé bien distillé à ses détracteurs, Girard prouve là qu’il mérite bien mieux que ce que la mémoire collective peut parfois décerner comme « prix citron »… Mais, même à fleur de peau et sanguin à souhait, il se concentre sur son football. Celui qui le propulse parmi les deux ou trois meilleurs spécialistes français au poste (durant quasiment toute la décennie), ainsi qu’en Équipe de France « A », avec laquelle il participe à la Coupe du Monde 1982 en Espagne. Accompagné par plusieurs coéquipiers bordelais… (Cf. Équipe de France/Girard, neuf mois fulgurants !)

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Un palmarès, des valeurs et des buts

Il était carreleur dès sa sortie de l’adolescence ; il devient vite le ciment de l’unité bordelaise ! Travailleur, exigeant, caractériel, mais loyal et fidèle, cet homme de devoir, ce « porteur d’eau » – métaphore utilisée pour qualifier le poste de numéro 6 à cette époque – va se forger ici un palmarès digne des plus grands. Champion de France en 1984, 1985 et 1987 (vice-champion en 1982 et 1988), vainqueur de la Coupe de France en 1986 et 1987, le « relayeur-aboyeur » de l’entrejeu est aussi demi-finaliste malheureux de la Coupe des Clubs Champions Européens (C1) en 1985 (face à la Juventus Turin F.C.) et de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe (C2, « absorbée » en 1999 par la C3) en 1987 (face au F.C. Lokomotive Leipzig). Des parcours inachevés qui symbolisent toutefois l’aventure humaine, sportive et l’histoire d’amour avec les supporters locaux que vit René, dans un club respecté, ambitieux et titré. Et dont il sera promu capitaine sur le terrain, suite au départ d’Alain Giresse pour l’Olympique de Marseille, en 1986.

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Mais en Gironde, avant de boucler la boucle en revenant terminer sa carrière de footballeur à Nîmes (1988-1991), Girard a plus que parfait sa formation et bonifié son cursus : il s’est forgé une image de joueur complet, que personne n’a oubliée à Lescure et aux alentours. Pourtant, au-delà, le doute semble subsister ; ce qui pousse, de temps en temps, l’intéressé à recadrer les choses. « Si on veut retenir que j’étais un joueur engagé, très bien, mais j’étais un milieu qui a mis plus de 50 buts, et pas n’importe comment : des reprises de volés, des retournés… », Ce judicieux rappel, teinté de justification, était adressé au grand public, et rapporté par les journalistes du magazine So Foot, il n’y a pas si longtemps. Pas toujours usurpée – il en a parfois joué pour intimider ses adversaires –, la diabolique réputation de « RG », qui officiait en « police-patrouille » dans le milieu, est certes née de quelques excès, et s’est façonnée par des faits de jeu. Mais il faut aussi reconnaître son talent et l’ardeur avec laquelle il défendait ses valeurs et celles du club : précision chirurgicale dans l’exercice du tacle lancé, présence athlétique soutenue dans les duels, solidarité (toujours très proche des meneurs de jeu qu’il a côtoyés, afin de leur assurer « protection »), appétit pour le combat (c’est un état d’esprit), sens de l’honneur et du collectif, endurance à l’effort et dureté au mal… Ou encore, interception et ratissage de ballon, qualité de passe ou puissance et précision de frappe. Sans oublier un jeu de tête performant, tant défensivement que face au but adverse. Il était, de l’aveu même d’Aimé Jacquet, « indispensable » pour son collectif. Comme un certain Jean Amadou Tigana, qui évoluera à partir de 1981 dans la même zone de jeu que lui…

René Girard

Un dur à cuire au jeu fluide, René Girard, qui totalise en fin de carrière 434 matches joués en pros et 60 buts (TCC)**, reste l’un des joueurs emblématiques des Girondins de Bordeaux. L’un des meilleurs au poste de milieu défensif que le club et le pays aient connus, aussi. Et ce même si son grand talent n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur. Mais qu’on se le dise une bonne fois pour toutes, René Girard est un « vrai » footballeur… 

*Source : www.scapulaire.com

**Source : www.footballdatabase.eu

Equipe de France

Girard, neuf mois et une coupe du monde !

La première fois que René Girard honore une sélection officielle en équipe « A », c’est lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 1982. Un parcours qui le mène, titulaire, à Dublin et Lansdowne Road, où la République d’Irlande l’attend. En un mercredi 14 décembre 1981, où les Vert et Blanc battent aussi les Bleus 3 buts à 2, devant 55 000 personnes… François Bracci est le seul bordelais à l’accompagner sur le terrain.

Ce match, pour le milieu de  terrain, sera le premier d’une… courte série ! En effet, Girard ne comptera que 7 caps au total, avec une autre en amical face à l’Irlande du Nord (victoire 4-0, à Paris) en mars 1982, et 5 consécutives qui sanctionneront son parcours international, lors du « Mundial » 1982. Mais toutes, malgré un statut officieux de remplaçant, il les aborde avec grand professionnalisme. Et pour participer à 5 des 7 matches que l’Équipe de France a livrés dans le tournoi (Angleterre, Koweït, Tchécoslovaquie, Autriche et Pologne), il faut nécessairement bénéficier d’un certain crédit, autant que la confiance du sélectionneur, Michel Hidalgo. C’est donc là le cas, et cela démontre qu’il est un élément important du dispositif. Situé derrière Jean-François Larios et Jean-Tigana dans la hiérarchie au poste, René fait contre mauvaise fortune bon cœur. 

« Pour moi, c’était super ! »

Aux côtés de ses coéquipiers de club tels qu’Alain Giresse, Bernard Lacombe, Gérard Soler, Jean Tigana et Marius Trésor, il apprend, progresse et observe, comme il le confie à Girondins Mag en juillet 2012, pour les trente ans de l’évènement. « J’ai profité de l’élan des Girondins pour enquiller en Équipe de France et cela a été pour moi quelque chose de super, dont une belle coupe du monde même si, par moments, c’est dur de se retrouver, disons, pas écarté… notamment d’une demi-finale (face à la République Fédérale d’Allemagne, perdue 5 tirs au but à 4/3-3, NDLR), d’un match comme ça… C’est que dans la tribune, on est loin dans le temps ! Être sur le banc de touche, c’est être un peu plus proche (…), mais comme à l’époque on n’avait droit qu’à seize joueurs sur la feuille de match, les six autres étaient dans les gradins. Sinon, je dirais qu’on est passé de grand beau temps à la grisaille (…). Mais on a vécu ça très intensément… » 
 
Et ce que « Néné » ne dit pas, c’est qu’il a marqué un but face à la Pologne (le premier de la rencontre, à la 13e minute), lors du match de classement pour la troisième place du tournoi, le 10 juillet. Peut-être par modestie ou, qui sait, par égard à la prestation négative effectuée par les siens ce jour-là (défaite 3-2)... « Il nous a manqué un petit bout de chemin pour faire quelque chose de grand », nous confiait-il il y a cinq ans ; pour un constat qui peut par ailleurs s’appliquer à ce qu’aurait pu être sa carrière de joueur chez les Tricolores…

Paradoxalement, le solide palmarès qu’il s’est forgé par la suite avec les Girondins ne sera pas synonyme de rappel chez les Bleus, puisque jamais il ne sera aligné au sein du fameux « carré magique », qui verra l’intégration définitive de Luis Fernandez (60 sélections et 6 buts) aux côtés du trio Platini-Tigana-Giresse (auquel Bernard Genghini est également associé), peu de temps après...

*Patrick Battiston, qui évoluait depuis 1980 à l’A.S. Saint-Étienne, rejoindra les Girondins quelques semaines plus tard.