Bixente Lizarazu, du marine au bleu…

Bixente Lizarazu en Equipe de France

De 1994 à 2004, Bixente Lizarazu a compilé 97 sélections et remporté de nombreux titres avec l'équipe de France.

Avant d’être appelé pour la première fois en Équipe de France, Bixente Lizarazu connaît une ascension fulgurante avec son club formateur. Car c’est avec les Girondins de Bordeaux F.C. qu’il gravit, à force de détermination, de travail et de talent, les différentes étapes qui peuvent lui permettre d’atteindre le seuil requis pour intégrer la sélection d’élite. De régularité dans la performance et de professionnalisme, aussi. Parce que lorsque le Basque débute en D1, les Marine et Blanc ne le savent pas encore, mais après une période de gloire nationale et internationale estampillée, depuis, « époque Claude Bez », ils amorcent une insidieuse chute qui les mènera à la faillite ; plus financière que sportive, au final.

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En parallèle, l’entité tricolore est en reconstruction, depuis quelques années. Elle aussi, elle a vécu et connu les trophées et les louanges dans les années 1980, en atteignant deux fois le dernier carré de Coupe du Monde (4e en Espagne en 1982 et 3e au Mexique en 1986) et en remportant le Championnat d’Europe des Nations (Euro) en 1984, dans l’Hexagone. Mais la génération dorée du football français – la première véritablement consacrée depuis celle de 1958 – s’en est allée et, pour les derniers restants (Manuel Amoros, Luis Fernandez ou Jean-Pierre Papin), il faut transmettre le relai et aider à la reconstruction. Dans la mesure où les Bleus ont manqué le Mondial en Italie en 1990, et l’Euro en Allemagne de l’Ouest (R.F.A.), en 1988. C’est donc dans ce contexte ambigu que « Liza » va débuter sa carrière internationale. 

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Pas d’Euro mais des promesses

À 23 ans, en dépit de sa relative jeunesse, cet attaquant/milieu offensif reconverti au poste d’arrière gauche, a déjà connu la première division (D1), la deuxième division (D2), ainsi que la relégation administrative avec les Girondins ! En peu de temps, ça fait beaucoup, mais ça forge le caractère et l’expérience ! Le caractère, justement, le garçon en possède. Et, en sus de ce qu’il réalise avec brio sur le terrain avec son club, c’est ce sur quoi les décideurs de la Fédération Françaises de Football (F.F.F.) vont pouvoir s’appuyer pour mener leurs futures missions à bien. 

D’abord passé par les Espoirs – dont il est capitaine –, il intègre les « A » en 1992. Mais pas lors de l’Euro disputé en juin en Suède (élimination en phase de groupes), et sur lequel il lorgnait secrètement. Malgré la déception et la frustration que cela aura pu occasionner, l’Aquitain se bat avec conviction pour retrouver l’honneur perdu des Girondins, et pour se faire légitimement remarquer par Gérard Houillier, qui a succédé au mois d’août à Michel Platini, en tant que sélectionneur national. 

Bixente Lizarazu en Equipe de France

Avec Bordeaux, le retour en D1 se passe bien. Sur la pelouse, son entente avec l’autre joueur du cru, attaquant et symbole identitaire, Christophe Dugarry, et Zinedine Zidane, milieu de terrain créatif tout récemment venu de l’A.S. Cannes, est exemplaire autant que réjouissante pour le football français. Et pour son avenir. Le jeu des « Bordeaux et Blanc » s’en ressent, ce qui est annonciateur de belles promesses pour les Bleus… 

Un novice détendu

Ce combattant, qui lutte avec conviction autant contre l’adversaire que l’injustice, savoure l’opportunité qui lui est offerte, en ce samedi 14 novembre 1992. L’objectif premier du groupe est la qualification pour la « World Cup » 1994, au États-Unis. Cette rencontre, disputée à Paris, est une étape vers le nouveau monde. 28 630 spectateurs prennent pace dans le Parc des Princes pour voir évoluer Bruno Martini (gardien de but), Jean-Philippe Durand, Basile Boli, Alain Roche, Bernard Casoni, Franck Sauzée, Didier Deschamps, Jean-Pierre Papin, Éric Cantona, Xavier Gravelaine, puis Christian Karembeu et Pascal Vahirua. Notre homme est titulaire et en terrain familier : il connaît bien ses partenaires, dont les Durand, Roche, Deschamps et Cantona, avec lesquels il a joué ou qu’il a côtoyés aux Girondins !

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Face à une formation moins forte individuellement parlant, mais accrocheuse, les locaux se facilitent les débats en inscrivant deux buts en trente minutes. D’abord par l’intermédiaire de « J.P.P. » (18e), puis par Cantona (30e), menant 2-0 à la pause. Celui que l’on nomme affectueusement « le Basque bondissant » n’y est pas pour rien, puisque c’est lui qui délivre la passe décisive, d’un centre côté gauche, à destination d’un « Canto » chanceux dans sa réception – le ballon lui est projeté sur la poitrine, au sol, par le gardien adverse –, et tout heureux d’accroître l’avantage à la marque de cette manière ! Pour l’anecdote, les coéquipiers de Jari Litmanen la réduiront, par Petri Jărvinen (55e), pour un score final de 2-1. Dans le livre qu’il a écrit en collaboration avec Arnaud Ramsay et Jacques Bungert, « Bixente » (Grasset), en 2007, le « bizut » se souvient de façon amusée de l’instant. 

« C’était une demi-surprise car je sortais d’une saison intense avec les Girondins. Novice dans le groupe, j’étais pourtant super détendu. Tellement que je me suis endormi dans le car entre Clairefontaine et le Parc des Princes ! Cela ne s’est jamais reproduit depuis. Les commentaires sur ma prestation ont été encourageants. »

La première sortie du numéro 3 est donc de bonne facture, mais ses desseins seront contrariés par la non-qualification future pour les U.S.A., et les désillusions et polémiques liées à cet échec... 

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Mais dans le staff technique se trouve Aimé Jacquet. L’adjoint d’Houillier, qui a lancé Liza dans le grand bain du professionnalisme en 1988, à Bordeaux, sait que le garçon dispose d’un fort potentiel. En 1994, le Forézien est nommé à son tour numéro un ; c’est à partir de ce moment-là que Bixente va progressivement s’installer dans le onze de départ, après une période d’alternance propice à l’apprentissage. Il y faisait jusque-là des apparitions régulières mais, confronté à une concurrence féroce, il n’avait pas d’autres conseillers quotidiens que le travail et la patience.

« J’ai patienté quatre ans avant d’être titulaire. Lors du second match de l’Euro 1996, Aimé Jacquet m’a intronisé au poste d’arrière gauche, habituellement occupé par Éric Di Meco, invaincu en sélection. Sur l’autre aile, Lilian Thuram succédait à Jocelyn Angloma. Le sélectionneur a pris tout le monde de court. J’étais prêt. (…) »

Mais entre 1992 et le début de l’Euro, il a déjà honoré 20 fois la tunique, dont une chez lui, en Gironde… 

Un sacré triangle !

Car c’est à partir de 1994 et, clin d’œil du destin, au Stade Municipal de Bordeaux, que l’osmose hors-normes dont fait preuve le trio Lizarazu-Dugarry-Zidane se matérialise en Équipe de France, pour la première fois. C’est le mercredi 17 août 1994, face à la République Tchèque, en amical. Il célèbre alors cette date historique, en entrant en jeu et en se retrouvant avec ses deux compères sur la pelouse familière de Lescure (46e), devant leurs proches et leurs supporters. Zizou effectue ses débuts (tout comme Lilian Thuram) en « A » et, en inscrivant deux buts, permet ainsi aux siens d’arracher le nul (2-2). Dans une soirée formidable d’émotions, de suspense et probablement fondatrice… 

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Liza fait, dans son livre, référence à cette entente qui a pris de l’épaisseur au fil du temps. 

« Sur le terrain, Zinedine Zidane, Christophe Dugarry et moi étions les Dalton ! Nous entretenions une véritable complicité. Dans le jeu de passes, nous nous trouvions les yeux fermés, à l’instinct. Zizou était le milieu de terrain rêvé, excellent passeur qui savait jouer simple et faire briller les autres grâce à sa formidable technique. Duga était l’attaquant, très bon dribbleur, athlétique, ne rechignant jamais à aller au mastic. Moi ? Le défenseur contre-attaquant toujours volontaire pour porter le danger devant, avec moins de fluidité dans la gestuelle technique mais un excellent je de passe courte et un sens du combat affirmé. Je m’éclatais avec eux. Nous formions un sacré triangle. » 

Cette association fait les beaux jours de la sélection, mais aussi sa renommée, son palmarès et donc, sa gloire. Autant, jusqu’en 1996, que celle de leur club commun. Justement, en 1996, se déroule en Angleterre ce fameux Euro qui fait office de déclencheur. Liza vient de vivre une saison ultra intense et dévoreuse d’énergie avec Bordeaux. Passé près d’une relégation en D2 et d’une victoire en Coupe de l’U.E.F.A., il lui faut recharger les batteries. Cette compétition vient donc à point.

Jacquet a mis sur pied une défense de fer ; à partir de là, elle ne concèdera aucune défaite jusqu’en juillet 2000, pour 4 nuls et 22 victoires ! La ligne défensive, dont il fait partie, est composée de Laurent Blanc, Marcel Desailly et Lilian Thuram. Alignée devant Fabien Barthez, elle va s’avérer être la meilleure du monde…

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Certes, les Bleus sont éliminés en demi-finale par les Tchèques (0-0), mais sans perdre dans le jeu (5 tirs au but à 6 ; Liza transformant sa tentative) !

Cette expérience, conjuguée à son passage à l’Athletic Club Bilbao et à une signature au Bayern Munich F.C., va lui faire grand bien. Le problème, c’est cette pubalgie tenace qui le fait souffrir depuis longtemps et lui empoisonne l’espoir ; celui de disputer – enfin ! – la Coupe du Monde. Et sur son sol… 

Opérations chirurgicales manquées et baisses de moral sont toutefois compensées par l’accompagnement psychologique de Jacquet, et par un mental à toute épreuve. Durant six mois, il se « blinde » d’entraînements et d’objectifs personnels, et va rendre à son mentor la droiture et la confiance qui lui ont été témoignées. Car c’en est fini de la guigne : il est du court voyage qui le ramène d’Allemagne à son pays natal, et bel et bien dans le groupe définitif des 22 !

Il enflamme le Stade de France

Dans le deuxième match des Bleus (Groupe C), face à l’Arabie Saoudite, le 18 juin 1998, Liza enflamme le Stade de France. Auteur d’un « une-deux » avec Zidane, puis d’un débordement à toute vitesse sur le côté gauche, il délivre un centre à ras de terre pour Thierry Henry, qui ouvre le score (36e). En fin de partie, tandis que la France mène 3-0, Lizarazu conclut d’une frappe en force croisée, un beau mouvement collectif, relayé par une talonnade de Youri Djorkaeff ; il scelle ainsi une large victoire (4-0) qui, après le succès inaugural face à l’Afrique du Sud (3-0), ouvre en grand les portes de la compétition. C’est son deuxième (et dernier) but inscrit dans le jeu avec la sélection, après celui du 15 novembre 1995, face à Israël (2-0), à Caen (Stade Michel D’Ornano). C’était en qualifications pour l’Euro ’96, d’un tir croisé, et suite à une ouverture de Zidane…

Le tournoi se clôt sur un sacre mondial attendu et mérité, le 12 juillet, lorsque le Brésil de Dunga, Rivaldo ou Ronaldo sera terrassé (3-0), dans une ferveur populaire incommensurable ! Et un, et deux, et trois-zéro ! Une première étoile pour l’éternité, un grand scintillement pour tout le peuple français…

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Comme Fabien Barthez, Bernard Lama, Lionel Charbonnier (gardiens de but), Vincent Candela, Laurent Blanc, Marcel Desailly, Lilian Thuram, Frank Lebœuf, Patrick Vieira, Youri Djorkaeff, Didier Deschamps, Zinedine Zidane, Robert Pirès, Alain Boghossian, Emmanuel Petit, Christian Karembeu, Stéphane Guivarc’h, Thierry Henry, Bernard Diomède, David Trézéguet et Christophe Dugarry, Liza est désormais une icône, une « rock star », un dieu vivant ! Son échec, via sa frappe trop molle, lors de la séance de tirs au but face à l’Italie (0-0, 3-4), en quart de finale, lui est alors largement pardonné…

Ses raids incisifs, ses déboulés, sa justesse de centre(s) sur l’aile, sa pate gauche redoutable, sa célérité dans les offensives, sa puissance et sa diligence dans les gestes défensifs sont maintenant cités en référence et appréciés à leur juste valeur. Le petit garçon formé aux Girondins et devenu un homme accompli, et récompensé de ses efforts… 

Prêts pour le cumul

À présent, la dynamique du succès galvanise les troupes et multiplie les attentes. Maintenant bien rodée, la bande à Didier Deschamps est prête pour le cumul. Au cours de l’Euro 2000, en Belgique et aux Pays-Bas, il n’y a pas vraiment de surprise : la France de Roger Lemerre s’impose en championne du monde, et Lizarazu avec ! La nation survole la planète foot et atteint son apogée. L’Italie en fait les frais, en s’inclinant au terme d’une partie stoppée via le principe du « but en or » (2-1) ! Tandis que Bixente est l’un des meilleurs arrières latéraux du globe, si ce n’est le meilleur…

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En 2001 et 2003 il remporte aussi la Coupe des Confédérations, pour deux titres supplémentaires qui ne parviendront toutefois pas à faire oublier le fiasco d’une élimination prématurée (en phase de groupes) durant la Coupe du Monde 2002, au Japon et en Corée du Sud… 

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Il stoppe sa carrière internationale après l’Euro 2004, au Portugal. C’est en quart de finale, face à la Grèce – qui sera le vainqueur du tournoi – (0-1), qu’il met donc un terme à une aventure commencée plus de dix auparavant. Le groupe de Jacques Santini n’a pu atteindre le palier fixé, et ce 650e match de l’histoire des Bleus, qui est son 97e personnel, est son dernier officiel. Certes, il n’a pas atteint la barre symbolique des 100 sélections, mais ce qu’a réalisé ce grand champion dans son parcours, est tout simplement extraordinaire

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