Les souvenirs de Yannick, Patrick et Marius sur Diego
Club
+1
Les trois anciens bordelais ont affronté Diego Maradona
Ils ont été tous les trois été de grands joueurs, internationaux français. Ils ont tous les trois vécu leur carrière en même temps que Diego Maradona. Ils l’ont tous les trois affronté. Marius Trésor, Yannick Stopyra et Patrick Battiston nous parlent du « Pibe de Oro ». Entre souvenirs, avis sur le joueur et anecdotes savoureuses.
Marius Trésor
Diego Maradona était hors-norme. Pour les Argentins, c’est le garçon qui leur a offert la Coupe du Monde. Lionel Messi est extraordinaire mais je ne pense pas qu’il touche les gens comme l’a fait Diego Maradona.
girondins.com : Bonjour Marius, quelle a été ta réaction à l’annonce du décès de Diego Maradona ?
Marius Trésor : Ça fait toujours mal. Savoir qu’un gars que tu as adoré quand il était sur le terrain te quitte… Cela vient juste après le décès de Christophe Dominici et celui de Jacques Secrétin. Je me suis dit qu’il ne faisait pas bon être ancien grand sportif (sourire). Je l’ai rencontré deux fois. En 1983, lors du tournoi à Bordeaux alors qu’il jouait à Barcelone, nous les avions affrontés en demi-finale. Il y avait ce jour-là deux n°10 d’exception sur le terrain avec Alain Giresse. Nous l’avions emporté 2-0. Ce que je retiens de Maradona, c’est son 2ème but contre l’Angleterre en 1986. Pas le premier, marqué de la main, mais ce slalom… Partir du milieu de terrain, éliminer toute la défense, pratiquement toute l’équipe en fait. Personnellement, je n’ai jamais revu ça.
girondins.com : Lors de ce match amical face à Barcelone, tu marques le 2ème but mais plus globalement, dans quel état d’esprit étais-tu au moment d’affronter Diego Maradona, en tant que défenseur ?
MT : Il faut jouer avec sa tête ! Cela m’a aidé toute ma carrière. Quand j’avais un grand joueur en face de moi, la première chose que j’essayais d’analyser, c’était de comprendre à quel moment il allait lâcher le ballon. Afin de pouvoir jaillir et le contrer. A mon époque, on pouvait tacler, mettre de l’intensité, c’était tout à fait normal. Aujourd’hui, on ne peut pratiquement plus rien faire… A Marseille, j’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner avec deux champions du Monde brésiliens, Jaïrzinho et Paulo César. Ils étaient très doués techniquement et ils m’ont beaucoup aidé à progresser dans ma façon de jouer et de défendre. Aujourd’hui, les défenseurs doivent beaucoup plus réfléchir avant d’intervenir.
girondins.com : Les hommages pour Diego Maradona dépassent le monde du football. Cela montre aussi qu’un grand sportif, même retraité depuis longtemps, n’est pas oublié quand il a réussi à toucher le cœur des gens ?
MT : C’est sûr ! En plus, Diego Maradona était hors-norme. Pour les Argentins, c’est le garçon qui leur a offert la Coupe du Monde. Lionel Messi est extraordinaire mais je ne pense pas qu’il touche les gens comme l’a fait Diego Maradona. Tous ceux qui ont été champions du Monde en 1986 ne sont pas des Dieux, comme lui. Ce but de la main, en déclarant ensuite que c’était la « Main de Dieu » l’a transformé en mythe. C’est pour cela que les gens sont aussi touchés. Pour beaucoup, il a quitté cette terre mais il n’est pas mort car c’est Dieu. Il a été un joueur génial mais il a aussi eu une vie marquée par les dérapages. S’il n’avait pas été Diego Maradona, je ne pense pas que tout le monde serait passé sur toutes les bêtises qu’il a commises.
Yannick Stopyra
Je l’appelle et là, Diego Maradona se retourne et me dit « Ola Yannick ». Je ne le connaissais pas, on s’était juste croisés. Venant de lui, ce salut était une énorme reconnaissance. J’avais l’impression d’être dans la cour des grands. C’était un honneur.
girondins.com : Bonjour Yannick, quelle a été ta réaction à l’annonce du décès de Diego Maradona ?
Yannick Stopyra : Cette nouvelle m’a blessé. Ça m’a fait mal car c’est un peu de « mon » football qui est parti. Enfant, j’ai grandi avec Pelé puis avec Diego dans mon adolescence. J’ai joué cinq fois contre lui dont deux fois au Stade San Paolo de Naples. Je l’ai aussi affronté au Parc des Princes avec les Bleus, à Bordeaux et à Toulouse. Il était exceptionnel, comme joueur et comme être humain. Je retiens vraiment l’association des deux.
girondins.com : Quels souvenirs gardes-tu de tes matches face à lui ?
YS : Quand je l’ai affronté en sélection, il ne jouait pas dans la meilleure équipe d’Argentine qui ait existé. Et avec lui, elle est devenue championne du Monde. Quand il va à Naples, tout le monde est surpris. Pourquoi signer là-bas ? Bien sûr, le stade San Paolo était un vrai volcan mais l’équipe était moyenne. Il en a fait une formation championne d’Italie, devant tous les gros clubs, mais aussi championne d’Europe en gagnant la Coupe UEFA 1989. En fait, ce gars n’avait pas besoin d’autres joueurs. Sur le terrain, c’était compliqué face à lui. Il ne fallait pas trop l’admirer parce qu’on avait un résultat à faire. Mais c’était difficile.
girondins.com : As-tu une anecdote en particulier sur ces matches ?
YS : Je vais parler du premier match au San Paolo avec Toulouse. Pas tellement pour des raisons sportives d’ailleurs. A Naples, les vestiaires ne sont pas sous le terrain mais presque. Je me souviens du bus qui entre dans ce grand stade en béton. Je pose mon sac dans les vestiaires et je sors, seul, pour aller voir la pelouse. Là, je vois Diego Maradona et Alberto Tarantini. C’était un joueur argentin qui jouait à Toulouse. Il avait été Champion du Monde avec Diego, ils se connaissaient très bien. Il y avait chez moi de l’admiration mais, très vite, je me suis dit : « Yannick, tu n’es pas là pour demander des autographes ou faire des selfies ». Bon, à l’époque, ce n’était pas possible (rires). Mais je me suis approché et j’ai pris le prétexte d’aller dire quelque chose à Alberto Tarantini. Je l’appelle et là, Diego Maradona se retourne et me dit « Ola Yannick ». Je ne le connaissais pas, on s’était juste croisés. Venant de lui, ce salut était une énorme reconnaissance. J’avais l’impression d’être dans la cour des grands. C’était un honneur. Ensuite, avec Bordeaux, je me souviens de quelques gifles dans le tunnel de Lescure lors du match contre Naples. Une bagarre a même éclaté et heureusement qu’il y avait (Jean-Christophe) Thouvenel. Il m’a bien protégé !
Patrick Battiston
Contre l’Angleterre en quart de finale du Mondial, il y a une mauvaise main mais le deuxième but, c’est juste exceptionnel. Ce match symbolise bien le caractère du joueur.
girondins.com : Bonjour Patrick, quelle a été ta réaction à l’annonce du décès de Diego Maradona ?
Patrick Battiston : Une grande surprise et une grande émotion car c’était tout de même brutal. Certes, il avait eu une opération il y a 15 jours. Ce n’est pas une page qui se tourne mais un livre qui se ferme. C’était un joueur exceptionnel. Je me suis souvenu que je l’avais rencontré deux fois mais aussi lors du jubilé de Michel Platini. Avec Bordeaux, je l’avais affronté dans un tournoi amical alors qu’il évoluait à Barcelone. Maradona, c’est la figure emblématique de chaque équipe dans laquelle il a joué. On ne jouait pas Barcelone mais le « Barça de Maradona ». Même chose avec l’Argentine. On disait « l’Argentine de Maradona ». On avait eu la chance de les battre à Paris avec les Bleus (2-0, 26 mars 1986). Ce sont des souvenirs formidables. Maradona, c’était la force footballistique de chaque équipe dans laquelle il était. Tu ne jouais pas contre l’équipe, tu jouais contre Maradona.
girondins.com : Tu as eu une carrière remarquable dans différents clubs et en sélection. Tu as affronté beaucoup de grands joueurs. Jouer face à Maradona, c’était quel sentiment ?
PB : Tu affrontais un joueur qui marquait le football mondial ! C’était encore plus vrai après la Coupe du Monde gagnée en 1986. Alors c’est vrai, une petite « mimine » est passée par là contre l’Angleterre. Il était comme ça. Un garçon surprenant, subtil dans tout ce qu’il faisait, totalement imprévisible. Quand on jouait face à lui, il n’y avait pas de crainte mais vous deviez être attentif à tout. On essayait d’étudier ses faits et gestes pour ne pas se faire prendre mais, quand bien même… Contre l’Angleterre en quart de finale du Mondial, il y a une mauvaise main mais le deuxième but, c’est juste exceptionnel. Ce match symbolise bien le caractère du joueur.
girondins.com : L’équipe de France et toi avez été des acteurs importants de cette Coupe du Monde 1986. Vous perdez face à l’Allemagne en demi-finale. Suivais-tu le Mondial de l’Argentine avec une possibilité de les affronter à la fin ?
PB : Oui, on sentait qu’ils montaient en puissance pendant la compétition. Nous, on avait fait un bon parcours en éliminant l’Italie en 8ème puis le Brésil en quart avant d’affronter l’Allemagne. On avait qu’une envie, c’était jouer l’Argentine en finale ! Les choses se sont passées différemment. Avec le recul, j’apprécie le fait d’avoir participé à ce Mondial haut en couleurs. On aurait pu faire mieux mais nous n’y sommes pas parvenus.